La cicatrice
C'est le premier roman que j'ai lu. Je devais avoir 13, 14 ans, un truc comme ça. Enfin, c'est peut-être pas
le premier que j'ai lu, mais c'est le premier dont je me souvienne.
Il fallait choisir un bouquin, et faire un exposé. Pour moi, à cette époque, c'était une vraie épreuve,
mais j'avais tellement aimé ce livre que d'un coup, monter sur l'estrade et le défendre, ça m'a paru super facile.
Je me rappelle quand même avec fierté avoir scotché tout le monde. Je me souviens aussi avoir eu un mal de chien pour pas me mettre à chialer devant tout le monde, tellement ce livre m'avait touchée. C'est une histoire qui commence mal, et qui finit encore plus mal. Alors forcément.
Et puis bien-sur, ce livre je l'ai rangé dans un coin de ma mémoire, et j'en ai ouvert des milliers d'autres.
C'est pratique, un livre, pour se cacher derrière. Et parfois, quand le miracle a lieu, on peut même se cacher dedans.
Hier on est allé à la Trocante, une espèce de bric à brac qui vend tout et n'importe quoi. Ca sent la poussière, ça caille un peu, mais au détour d'un lit de bébé, on peut tomber sur une merveille à trois francs six sous.
C'est comme ça que je me suis dirigée vers le rayon livre, fouinant au milieu des Danièle Steel pour trouver, peut-être, la perle rare. L'édition originale de L'herbe rouge, peut-être.
Et en fait, non. En fait je suis tombée sur La cicatrice.
Je l'ai attrapé comme si c'était un trésor, et tout m'est revenu. Cette histoire triste à pleurer, l'estrade, mon émotion. La cicatrice.
J'ai pensé au mec qui l'avait écrit un jour, et à son bouquin qui se retrouvait des années plus tard dans une foire fouille, à cinquante centimes. Puis j'ai pensé à la fille qui tombait dessus, un dimanche, et qui se souvenait dans un sourire extatique, de sa première émotion littéraire.
C'est peut-être pour ça, qu'on écrit.